Une aura de mystère entoure depuis un siècle la statue argentée qui trône toujours sur les capots des Rolls-Royce. Connue aussi sous le nom de « Dame Volante » ou « Dame d’Argent », elle allait devenir l’un des emblèmes les plus prestigieux à travers le monde. La statuette représente une jeune femme penchée en avant, les bras étendus haut en arrière, les manches de sa robe flottant au vent dans un mouvement évoquant des ailes.
Le travail devait symboliser « l’esprit de la Rolls-Royce, précisément : la vitesse et le silence, l’absence de vibrations, une grande puissance mystérieusement couplée avec un bel organisme vivant d’une grâce superbe… », d’après les mots de Claude Johnson, directeur de Rolls-Royce à qui les historiens qualifient souvent de « trait d’union » entre Rolls et Royce. Amateur d’art, il probablement trouva son inspiration dans la beauté mythique de la déesse Nike, incarnée par la Victoire de Samothrace exposée au Musée du Louvre à Paris.
Rolls-Royce ne suivait pas la tendance adoptée par d’autres fabricants consistant à orner les calandres des véhicules avec des figurines, afin d’identifier leur marque. En 1910 il était de bon ton d’afficher le plus joliment les grilles des voitures, donc les clients portaient des bouchons personnalisés. Alarmé par le mauvais goût de certains, le directeur de Rolls-Royce decida d’en créer un qui fût digne de la marque. Aussi, pour satisfaire sa clientèle élitiste et préserver l’esthétique des voitures de la marque, il fit appel au sculpteur anglais Charles Sykes pour produire une mascotte dignifiant le caractère et l’esprit de ses véhicules.
Quelques années auparavant, John Montagu, second Lord Montagu de Beaulieu, parlementaire britannique et l’un des pionniers du mouvement automobile, avait confié à son ami Sykes de créer une statuette pour sa voiture Rolls-Royce Silver Ghost de 1909. Celui-ci prit pour modèle Eleanor Velasco Thorton, secrétaire personnelle de Lord Montagu dans l’édition du magazine “Car Illustrated”. La statuette, baptisée “The Whisper” (Le Chuchotement), montrait une jeune femme avec ses vêtements au vent et un doigt sur les lèvres symbolisant leur union secrète.
Suite à la commission de Lord Montagu, son successeur « The Spirit of Ecstasy » sera présenté en février 1911. Claude Johnson décrit dans une lettre envoyée à Sykes, comment l’artiste a réussi à transmettre l’idée de « l’esprit de l’extase, une déesse des airs qui a choisi de se poser sur le radiateur de la meilleure des autos pour se laisser porter et griser par la vitesse. Elle écarte les bras vers l’arrière pour mieux sentir le vent et parce qu’elle est joyeuse ».
La statuette était proposée en option jusqu’au début des années 1920 avant de devenir un élément standard. Plaquée d’argent jusqu’en 1914, elle sera ensuite faite d’acier inoxydable, mais on peut néanmoins la commander en argent ou même en or. La signature de Sykes figurait sur le socle avec la date de 6 février 1911. Les modèles récents de Rolls-Royce disposent d’un système qui permet de rétracter la statuette à l’intérieur de la calandre.
Malheureusement, Eleanor ne connaîtra pas la fascination que provoquerait la « Flying Lady » tout le long de cent ans. Au cours de la première guerre mondiale, alors qu’elle voyageait accompagnée de Montagu à bord du SS Persia, en route pour l’Inde, leur bateau fut torpillé par un sous-marin de guerre allemand au large de l’île de Crète. Lord Montagu survécut à cette attaque, s’accrochant au bateau pendant 36 heures, tandis que sa maîtresse fut disparue en mer. On n’a retrouvé jamais son corps.
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